Lorsqu’on parle du deuil, on devrait en réalité parler “des deuils”. Car, la perte d’un proche, ou d’autres événements tels que la séparation, la perte d’un emploi ou la diminution de ses capacités physiques ou cognitives suite à un accident, engendrent tous le processus du deuil. Le deuil peut avoir des manifestations variées ; physiques, comportementales, sociales ou cognitives.
Parler de la mort : un sujet délicat et tabou (Briser le Silence)
Nous y pensons tous les jours mais nous n’osons pas en parler de peur de la voir se réaliser. Ce silence face à la mort est souvent dicté par nos ancrages culturels et familiaux, nos peurs et angoisses face à notre propre mortalité. J’expérimente moi-même cette réticence lorsque j’évoque mon métier et ma spécialisation. Les réactions sont sans appel : “tu n’as pas peur d’être déprimée à parler toute la journée de décès ? » ou encore “s’il y a quelque chose dont je n’ai vraiment pas envie d’entendre parler, c’est bien la mort”… Les réactions sont le reflet de notre malaise collectif face à la mort. Seules les personnes qui vivent elles-mêmes un deuil ou étaient proches d’une personne atteinte d’une maladie grave, ont trouvé ce projet nécessaire.
Nous vivons tous, sans exception, des pertes au cours de notre vie. Or aujourd’hui encore, le sujet de la mort reste délicat à aborder, voire tabou. Elle nous met face à nos peurs les plus profondes. Dans notre société, la difficulté de parler de la mort est multifactorielle. Il existe, notamment, des ancrages culturels et familiaux, mais également des peurs et angoisses qui sont en lien avec notre propre mortalité. Ainsi, les personnes ressentent le besoin de comprendre ce qui leur arrive, et elles ont besoin d’exprimer ce que la mort représente pour elles.
Face à ce tabou, je me suis demandée pourquoi rechigner à parler de la mort ? Pourquoi attendre d’y être affrontée avant d’aborder le sujet ? Pourquoi ce sujet nous fait-il tant peur ? En réalité, plus la science a avancé, plus les maladies ont reculé, plus la mort nous semblait une cousine lointaine. Aujourd’hui on veut croire que la mort peut être contournée, vaincue, voire évitée (exemple cryogénisation). Il n’y a qu’à voir la réaction des populations et des gouvernements lors du COVID où la mort a été refusée même chez les personnes d’un âge avancé. Les morts étaient décomptés au quotidien comme si le phénomène était nouveau et inhérent uniquement au COVID.
Ainsi, même lorsqu’il s’agit de sentiments légitimes que l’on ressent après le décès d’un être cher, on veille à ne pas montrer ces émotions car elles mettent mal à l’aise, comme si c’était contagieux. Il n’y a rien de mortifère à l’évoquer ! Elle fait pourtant partie du cycle naturel de la vie. Elle a toute sa place dans notre quotidien.
Paradoxalement, en taisant la mort, nous nous privons d’une meilleure compréhension et intégration de celle-ci dans notre quotidien. Parler de la mort ne nous rend pas mortels, tout comme ne pas en parler ne nous rend pas immortels ; aborder la question nous aide à mieux la vivre. Ceux qui acceptent et intègrent la mort semblent vivre plus intensément leur vie. Pourquoi attendre d’être au fond du trou pour en parler ?
Aborder la mort peut également nous préparer à mieux soutenir ceux qui sont en deuil et à nous familiariser avec notre propre finitude.
La place de la mort dans nos sociétés
Nous vivons dans une société qui vit dans le déni de la mort alors que s’y confronter permet de donner plus de sens à la vie. Je m’explique. C’est bien une occasion pour se préparer, mais également pour gagner en ouverture et à aspirer à une croissance personnelle. Ce que j’ai constaté, c’est que les personnes qui intègrent favorablement la mort dans leur quotidien, semblent être plus en vie !
Selon nos cultures et nos croyances, celles et ceux qui ont la Foi ou qui adhèrent à l’existence de l’âme ou d’une vie après la mort, semblent être plus en paix quant à l’idée de mourir. À mon sens, parler de la mort nous rend encore plus vivants. Se préparer pour mieux soutenir.
Explorez ce qui se vit à l’instant présent, préparez “l’après” pour votre famille et vos proches, interrogez-vous sur la possibilité “d’autre chose”, et enfin, échangez et osez revisiter la mort.
Si vous souhaitez approfondir le sujet, et intégrer des clefs pour aborder la mort, je vous recommande l’ouvrage de Youki Vattier : “Réenchanter la mort”. Ce livre, de moins de 60 page, est facile à s’approprier et il invite à une réflexion autour de la mort d’une manière claire et accessible. Il vous permettra de vous familiariser avec le sujet et de mieux l’appréhender.
La vie a-t-elle du sens sans son caractère éphémère ?
L’astrophysicien Hubert Reeves a dit : « Nous ne sommes que des poussières d’étoiles« . Cette réflexion nous rappelle l’importance de la vie et de sa nature éphémère. Le fait de savoir que nos moments sont limités devrait nous pousser à apprécier chaque instant, à savourer les petites joies et à chérir nos relations. Sans la finitude de la vie, le sentiment d’urgence qui motive notre croissance personnelle et nos réalisations serait absent. C’est précisément parce que la vie est éphémère qu’elle est précieuse et riche de sens.
En apprenant à parler de la mort, nous pouvons donner plus de sens à notre existence et vivre pleinement chaque instant. Et si la mort était une invitation à une vie plus riche et plus significative ? Faites votre chemin, prenez le temps d’intégrer et d’apprivoiser cette mort abstraite. Prenez conscience que notre vie manquerait d’importance si la mort n’existait pas…